Le dialogue national sur la crise anglophone s’est ouvert lundi 30 septembre 2019 à Yaoundé. Et les organisateurs n’ont pas lésiné sur le décorum. Des jeunes ex-combattants du cameroun anglophone chantant l’hymne national en anglais, prêts à rendre les armes, le Premier ministre Joseph Dion Ngute qui donne la version française de son discours en anglais, des chefs religieux priant. Voilà pour le décor. Car si autour de la table des discussions on retrouve des politiques, des religieux, des chefs traditionnels…, les rebelles séparatistes, eux, sont bel et bien absents. Ils ont choisi de boycotter le dialogue. L’autre grand absent est le MRC de Maurice Kamto. Le parti d’opposition a refusé de participer au dialogue tant que son chef ne serait pas libéré. Ce dernier, arrivé en deuxième position lors de la présidentielle d’octobre 2018, a été arrêté en janvier, avec plusieurs partisans, après l’organisation de manifestations contre le « hold-up électoral ». Du côté de Yaoundé, après la constitution de groupes de travail, les participants au dialogue auront jusqu’à vendredi pour présenter des propositions susceptibles de convaincre aussi bien le gouvernement, fermement opposé à tout changement majeur du système unitaire camerounais, que les séparatistes
Paroxysme
Il faut souligner que les combats, mais aussi les exactions commises contre les civils par les deux camps, dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest, où vit la plus grande partie de la minorité anglophone du Cameroun (16 %), ont déjà fait plus de 3 000 morts en moins de trois ans, selon le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG). Depuis 2017, des revendications sociales des populations anglophones, qui s’estiment lésées par rapport aux huit régions francophones, se sont muées en un conflit meurtrier entre des groupes indépendantistes armés radicalisés et les forces de sécurité de l’État, resté sourd aux revendications. Le paroxysme de cette crise dans le Cameroun anglophone a été sans conteste la proclammation le 1er octobre 2017 de l’éphémère république d’ambazonie par les séparatistes. Aujourd’hui, même à l’heure du dialogue, certains anglophones exigent le retour au fédéralisme, d’autres réclament la partition du pays. Deux scénarios rejetés par le président Biya.
Le dialogue selon Paul Biya
Après avoir fait preuve d’intransigeance depuis sa réélection en octobre 2018, le chef de l’État, 86 ans dont près de 37 au pouvoir, avait fini par demander à son Premier ministre, Joseph Dion Ngute, d’engager ce dialogue maintes fois réclamé. Entre espoir et méfiance, d’aucuns ne savent exactement ce qu’il ressortira au bout de ces cinq jours d’échanges. Dans tous les cas, l’influent archevêque de Douala, le cardinal Christian Tumi, y croit. « J’ai l’espoir qu’en sortant d’ici quelque chose de bien commence à se passer », a-t-il déclaré à l’AFP après le discours du Premier ministre.