Ibrahim Moubarak,est un jeune étudiant en architecture, un artiste peintre autodidacte et aussi un entrepreneur. De nationalité camerounaise je me suis installé en Tunisie plus précisément dans la ville de Sfax depuis 2017 pour mes études. Dés mon arrivée sur le sol tunisien je me suis très vite intégré à cette nouvelle société car j’étais entouré des personnes très actives dans la société civile.
J’ai créé en 2018 une Plateforme Artistique P-ART qui regroupait plusieurs artistes peintres de la région. Au début c’était pour répondre à une abondance de commande des œuvres d’art que je recevais et aussi pour répondre à des besoins des associations de toute l’étendue du territoire tunisien.
Quelques temps plus tard j’ai décidé d’avoir une vision beaucoup plus grande pour P-ART. J’ai redéfini la vocation de cette structure. P-ART est aujourd’hui devenu une plateforme qui promeut la culture, l’histoire et l’identité africaine afin de palier à un problème beaucoup plus important : la revalorisation de l’Afrique. Les africains manquent d’estime de soi due à la suprématie occidentale dont nous avons toujours fait face depuis plusieurs années. Depuis la colonisation nous avons toujours eu une image péjorative de nous même pour la plupart des africains « Nous sommes bon à rien. Les occidentaux ont tout inventé, ce sont des génies nous non. »
L’objectif majeur de P-ART est d’utiliser les moyens artistiques que nous possédons pour sensibiliser les africains, leur permettre de croire en eux, en leur potentiel et surtout en leurs capacités à créer de la valeur. Ces moyens artistiques sont notamment Les tableaux de peinture, les bandes dessinés et plus récemment les films 3D et des dessins animés.
Pourquoi ces moyens et pas les autres ? Si vous remarquez, dans toutes ces rubriques aucune ne nécessite une grande ressource financière pour la production des œuvres. Pour un tableau par exemple j’ai besoin d’une toile vierge et de la peinture, pour les 3 autres rubriques un ordinateur suffit. Du coup seule la faculté intellectuelle et artistique est lourdement nécessaire. Un autre avantage à souligner ici est cette liberté de créer les espaces à explorer, la facilité de transmettre des informations, de l’émotion et de l’adrénaline liées au succès.
Nous sommes actuellement sur la réalisation d’un film 3D. Dans ce film on retrouve de l’entrepreneuriat, d’histoire, la culture africaine. Il s’agit d’un film à caractère fictif. A travers ce film nous allons essayer de montrer aux africains que nous sommes capables d’accomplir de grandes choses avec notre réalité. Il est vrai que nous avons un passé tragique mais nous devons fermer cette page une fois pour toute et avancer. Si on échoue on devrait être capable de se relever et continuer jusqu’à notre dernier souffle. Nous devons arrêter de nous plaindre et libérer notre génie créatif. Vous savez je n’ai pas grandi dans une famille riche. Mon enfance n’était pas facile, mes amis avaient des voitures en miniature et moi pas. Au lieu de me plaindre je fabriquais ma propre voiture avec une vieille boite de sardine, un fil, des capuchons de bouteille (pour faire des roues). Je m’amusais autant que mes amis. « N’attendez pas toujours des autres. L’Afrique a tout ce qu’il vous faut. »
Dans le projet P-ART nous proposons également la conception et la réalisation des édifices. On ne peut pas parler d’une Afrique redessinée aux couleurs de l’espoir, du sourire et de la joie sans parler d’une architecture propre à nous. Une architecture qui respecte notre culture et qui s’y intègre.
Pourquoi entreprendre aussi tôt ?
J’ai décidé d’entreprendre ci tôt pour plusieurs raisons. Un jeune a beaucoup plus de chance de réussir en entrepreneuriat.
- Lorsqu’on est jeune on a du temps. Nous vivons dans monde où 80% de jeunes sont immergés avec l’environnement numérique. Le smartphone fait partie intégrante de la vie de la génération Z, encore nommée « digital natives », il a même plutôt envahi leur vie. Si nous pouvons investir ce temps dans une création de valeur notre vie sera beaucoup plus agréable et plus divertissante.
Internet est un atout pour la jeunesse car on y retrouve tout ce que l’on veut et c’est justement ce qui fait de lui un défaut freinant notre émancipation.
« Avec un couteau on peut se couper mais on peut aussi construire une cabane. »
- Lorsqu’on est jeune on n’a pas de responsabilité. Ce qui pousse nos ainés à ne pas quitter leur boulot pour entreprendre et être financièrement indépendant c’est toutes les charges qu’ils ont. Ils sont pour la plupart mariés avec des enfants, ils ne vivent plus avec leurs parents et ne sont plus sous la responsabilité de ceux-ci, ils sont donc obligés de rester dans leur zone de confort qui est leur boulot car le salaire leur garantit une vie stable.
- Pour entreprendre on a besoin de l’endurance et les jeunes en ont à revendre. Un bon entrepreneur a besoin de connaitre des échecs sur son parcours, se relever après ces derniers et poursuivre son rêve. Ce qui le rend plus habile à prendre des risques car il a le droit à plusieurs tentatives. Après tout il est jeune et il a encore la vie devant lui.
Avez-vous réussi à continuer vos études malgré ce challenge très prenant ?
Oui avec une bonne organisation on peut plusieurs grandes choses à fois.
Et il y’a autre chose : Ces études font partie de mon plan pour un avenir prometteur. Je n’ai pas choisi l’architecture par hasard, c’est avant tout une passion et comme je disais j’ai besoin d’avoir ce diplôme pour réaliser mon rêve. Investir mon temps pour ces études est une nécessité et une obligation.
Les plus grands obstacles que j’ai rencontré lors de la création de mon entreprise.
P-ART n’a pas de statut juridique pour le moment mais ça ne saura tarder. Si vous m’aviez posé la question quelques années plus tôt, je vous aurais dit que la création d’une entreprise en Tunisie est très difficile voir impossible pour les étudiants étrangers. Aujourd’hui c’est beaucoup plus facile car il y’a des incubateurs mis en place pour facilité justement l’implémentation des projets des étrangers. Comme par exemple KUFANYA de Paul Laurent Nyobe Lipot qui accompagne les jeunes entrepreneurs dans leur projet du début jusqu’à leur implantation. Vous pouvez aussi vous faire parrainez par ceux qui l’ont déjà fait. Pour mon cas je me fais encadrer par mes aînés dans le domaine : Franck TOFA promoteur de l’entreprise ITIA, Donald NJOYA avec sa plateforme Human Records. Je bénéficie des conseils de ces trois entrepreneurs.
Comment voyez-vous l’avenir ?
J’ai une grande vision, une très grande vision pour l’Afrique. Je crois au développement de l’Afrique je crois aux jeunes africains. Dans un futur proche renaitra, avec une génération de bâtisseurs. J’espère impacter positivement cette jeunesse et contribuer à cette renaissance.
Comment arrivez vous à manager votre équipe malgré vote jeune âge ?
Vous savez j’ai réussi à partager ma vision pour l’entreprise, c’était le plus difficile car pour me prouver que mon projet aura un succès je dois tout d’abord réussir à séduire des gens pour qu’ils travaillent pour moi sans avoir grand-chose à leur offrir en retour, créer une confiance pour qu’il y’ait un engagement de leur part. L’humilité et l’exemplarité font partie de mes atouts pour le management de cette équipe. Et je fais tout pour leur rappeler à chaque fois combien ils sont compétents et pourquoi je les ai choisis pour travailler avec moi sur ce projet.
Ainsi je crée une génération nouvelle de leader qui sera capable de poursuivre le projet même si je m’absente. Désormais ma vision c’est la leur et ils connaissent toutes les grandes lignes et la destination. Ils connaissent pourquoi cette destination est importante dans l’histoire globale de la boite.
Quels conseils pourriez-vous donner aux lecteurs pour la création de leur entreprise en tant que jeune entrepreneur ?
Je dis souvent que je suis fier d’être africain pour plusieurs raisons. L’Afrique a connu une période difficile qui l’a plongée dans l’obscurité pendant plusieurs années. Derrière cette tragédie les africains doivent prendre conscience des opportunités qui s’y trouvent. « Derrière un problème se cache une opportunité. » Nous nous trouvons dans un continent ou il y’a tellement de choses à faire pour rattraper les autres. Il n’est pas question de laisser les autres venir développer notre Afrique pour nous. Cela dit, les idées de projet il y’en a tellement, si vous avez déjà un projet, n’hésitez pas à vous lancer.
- Si ce projet existe déjà ça ne doit pas vous empêcher de vous lancer car vous avez peut-être copié l’idée de projet mais votre façon de le développer sera différente et si vous aimez suffisamment ce projet le succès est inévitable.
- Si vous hésitez parce que vous vous demandez si c’est le meilleur projet pour vous, vous devez savoir qu’il y’a pas de meilleur chose à faire. Même si vous prenez une chose très simple et que vous y mettez tout ce que vous avez, si vous vous mettez à fond Les probabilités sont grandes pour que ça devienne une grande chose.
La beauté, l’idéal, la simplicité ou la complexité sont tous des termes relatifs. Tout ce dans quoi nous mettons notre cœur et notre âme est une grande chose.
« Lancez vous ! » Utilisez le temps et l’énergie que vous avez pour vous lancer et n’ayez pas peur de tomber. « L’échec doit faire partie de l’histoire de votre succès. »
Si je devais revenir des années en arrière je choisirais sans hésiter la même orientation. L’entrepreneuriat c’est toute ma vie et rien ne m’arrêtera pour la réalisation de mes projets. Même pas le financement.
C’est vraiment formidable à votre expérience et parcours pour réussir à cette entreprise par rapport à votre compétence