Plus de deux semaines après la tenue à Yaoundé d’un grand dialogue national pour résoudre la crise qui ensanglante les deux régions anglophones du Cameroun, le retour de la paix sur le terrain semble encore loin d‘être acté.
Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’armée et des séparatistes s’affrontent depuis deux ans quasi quotidiennement, prenant la population en tenaille. Plus de 3.000 personnes ont déjà trouvé la mort dans ce conflit, selon des ONG.
Sous la pression de la communauté internationale, le pouvoir s’est résolu à organiser un dialogue qui s’est tenu du 30 septembre au 4 octobre, aboutissant à l’adoption de dizaines de recommandations pour permettre un retour rapide à la paix. Mercredi, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian est au Cameroun pour une visite de deux jours, où il va “encourager” le président Paul Biya “dans la poursuite de cette dynamique”.
Car sur le terrain, “la situation sécuritaire reste précaire”, rapporte Blaise Chamango, acteur de la société civile établi à Buea, chef-lieu du Sud-Ouest. “Les populations dans les zones en crise sont toujours confrontées aux mêmes réalités qui prévalaient avant le dialogue”, assure-t-il.
Les écoles de certaines localités “restent fermées et inaccessibles”, détaille-t-il. Les journées villes mortes, imposées chaque lundi par les séparatistes aux habitants de ces régions se poursuivent, selon lui.
Ces derniers jours, plusieurs attaques d’indépendantistes armés ont été rapportées par des médias locaux, notamment dans la région du Nord-Ouest, réputée plus frondeuse. “Les atrocités reprennent de plus belles à Bamenda”, son chef-lieu, s’est par exemple inquiétée mardi la radio d’Etat camerounaise.
“Il y a des gens qui ont encore des armes, qui sont encore dans des campements”, reconnaît George Ewane, le porte-parole du dialogue national. Toutefois, “nous n’avons pas nécessairement affaire à des sécessionnistes mais à des groupes de bandits qui tirent profit de cette situation”, ajoute-t-il.
“Cinquante-huit combattants” ont déposé les armes la semaine dernière dans le Sud-Ouest, selon lui. “La situation s’améliore de jour en jour”, assure-t-il, ajoutant “le grand dialogue a apporté beaucoup de réconfort dans les cœurs”.
Après cinq jours de travaux, ce dialogue, boycotté par la plupart des chefs séparatistes, mais réunissant plus de 1.000 participants, a abouti à la création, parmi les recommandations, d’un “statut spécial” pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest où vit la plus grande partie de la minorité anglophone (16%) qui s’estime victime de “stigmatisation” et écrasée par un pouvoir fortement centralisé.
A l’issue du dialogue, M. Biya avait qualifié ces résolutions de “riches et variées” et assuré qu’elles feraient “l’objet d’un examen attentif et diligent dans la perspective de leur mise en œuvre”.