Après presque trois décennies en retrait, Moscou veut revenir en Afrique. Pour marteler cette ambition face à l’Occident mais aussi à la Chine, Vladimir Poutine présidera la semaine prochaine son premier grand sommet africain.
Ces derniers temps, les dirigeants africains se bousculent à Moscou. En août, le président russe recevait le mozambicain Filipe Nyusi. Avant lui, c’étaient le congolais Denis Sassou Nguesso et l’angolais João Lourenço. Quand à l’égyptien Abdel Fattah al-Sissi, c’est un proche.
En tout, une dizaine de présidents ont visité la capitale russe depuis 2017.
Chaque fois, ces mêmes promesses: des investissements dans l’énergie ou les minerais et les immanquables contrats d’armement, depuis toujours la première source d’échanges commerciaux russo-africains.
Désormais, Moscou veut passer à la vitesse supérieure, et ne plus se contenter de son image de vendeur de kalachnikovs, cette arme emblématique qui orne le drapeau mozambicain.
Dans la cité balnéaire de Sotchi, Vladimir Poutine et son homologue égyptien coprésideront donc les 23-24 octobre le premier « sommet Russie-Afrique », fort d’une trentaine de dirigeants attendus.
D’anciens « pays frères » communistes, comme l’Ethiopie ou l’Angola, figurent en bonne place, mais aussi des Etats où Moscou n’a avancé ses pions que plus récemment, comme la Centrafrique ou des puissances d’Afrique de l’Ouest.
Au programme, des discussions politiques et économiques pour montrer que les Russes peuvent, comme la Chine ou l’Europe, être un partenaire fiable. « La Russie a beaucoup à offrir en terme de coopération mutuellement bénéfique pour les Etats africains », assure le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
– Mercenaires –
Après son retour au Moyen-Orient avec le conflit syrien, Moscou souhaite asseoir son statut de puissance d’influence mondiale.
« Ce forum sert à marquer le tournant décisif de la Russie vers l’Afrique », explique à l’AFP Evguéni Korendiassov, ex-ambassadeur, aujourd’hui membre de l’Institut des études africaines de Moscou.
Exemple le plus frappant d’un retour sur le continent africain, l’arrivée début 2018 d’armes et de dizaines de « conseillers militaires » en Centrafrique, pourtant un pré carré français.
Là, l’influence russe est tout sauf discrète, à commencer par celle du « conseiller à la sécurité » Valeri Zakharov du président Faustin-Archange Touadéra.
S’y ajoutent les patrouilles dans Bangui des mercenaires du groupe Wagner, une société militaire qu’on dit financée par Evguéni Prigojine, un proche de Vladimir Poutine.
Ces hommes, avec qui Moscou dément tout lien, ont été aperçus ailleurs: en Libye, on les dit alliés au maréchal Haftar. Dans le nord du Mozambique, ils combattraient avec l’armée une rébellion djihadiste et des médias occidentaux ont fait état d’une présence à Madagascar et au Soudan.
Moscou a par ailleurs signé plusieurs accords de coopération militaire, le dernier avec le Mali en juin. Pour autant, la Russie est encore loin de pouvoir faire concurrence aux puissances occidentales.
« Il ne faut pas réduire tout ça à cette histoire de confrontation (avec l’Occident). Nous ne sommes pas l’Union soviétique, nous n’en avons ni l’ambition, ni les possibilités ou les ressources », note Evguéni Korendiassov.
Arnaud Kalika, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri), juge lui « inexact » de parler actuellement d’une présence russe massive en Afrique.