Pour la deuxième fois depuis le renversement du régime Ben Ali en 2011, ils sont appelés ce dimanche à choisir leur président. Un scrutin à deux tours suivi, à l’automne, par des élections législatives.À Tunis
Dimanche, les électeurs tunisiens devront départager 26 candidats dans un scrutin indécis pour choisir le prochain locataire du palais présidentiel de Carthage. Cette campagne électorale, achevée vendredi, restera gravée dans les mémoires par l’emprisonnement d’un candidat, la fuite d’un autre mais aussi par les trois débats télévisés organisés afin d’évoquer les principaux enjeux, qui ont attiré 3 millions de téléspectateurs. Une première.
En matière de diplomatie, la sempiternelle question de la réouverture de l’ambassade tunisienne à Damas – fermée en 2012 – a été débattue. Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre, la défend pour «identifier les circuits, réseaux et financements» qui ont permis à des milliers de jeunes Tunisiens de rejoindre la Syrie afin de s’enrôler dans les rangs de l’insurrection contre Bachar el-Assad. Résolument opposée aux Frères musulmans, la candidate rêve d’une dissolution du parti islamiste Ennahdha, qu’elle accuse d’avoir organisé les départs. La crise en Libye, sujet de préoccupation majeure étant donné la diminution des échanges commerciaux, a également été évoquée. Le social-démocrate Mohamed Abbou a pointé du doigt la responsabilité de l’Europe et des États-Unis. Le premier ministre Youssef Chahed mise, lui, sur une «neutralité positive» qui pousserait aux discussions intra-libyennes sans prendre parti. Préoccupation des candidats plus que de la population, une éventuelle modification de la Constitution, ratifiée en 2014, a été plusieurs fois soulevée.
Certains souhaitent renouer avec le régime présidentiel, honni il y a encore quelques années à cause de la dictature passée. L’un des favoris, Kaïs Saïed, indépendant étiqueté conservateur, veut au contraire renforcer le régime parlementaire en rendant l’Assemblée plus représentative grâce à une élection des députés par des élus locaux. Les tensions, ces derniers mois, entre le premier ministre et le défunt président Béji Caïd Essebsi ainsi que l’inertie du Parlement illustrent, pour beaucoup, les défauts de la loi fondamentale qui consacre un système parlementariste où les compromis sont nécessaires.
Mais la priorité des Tunisiens, c’est l’économie. Avec un chômage à 15,3 % et un dinar qui a perdu 223 % de sa valeur par rapport au dollar entre 2010 et 2019, les Tunisiens ont vu leur pouvoir d’achat se dégrader. Hamma Hammami, de la coalition Front populaire (gauche radicale), qui, tout au long de la soirée du débat télévisé de lundi, a scandé «Hamma Hammami président», propose la nationalisation des richesses naturelles (sel, phosphate, pétrole…). Le troisième homme de l’élection de 2014 s’est déclaré, comme de nombreux candidats, opposé à l’accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) en cours de négociations, qui vise à libéraliser les secteurs protégés, comme l’agriculture.